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Gilles Deleuze

"Tout philosophe s'enfuit quand il entend la phrase: on va discuter un peu."
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27 février 2009 5 27 /02 /février /2009 08:41
Imaginons un immense océan tout bleu sur lequel flottent des millions de petites îles. Ces îles ne sont peuplées que par un habitant, un seul. Vous, moi, le voisin d’en face et ainsi de suite. Cet océan, ces îles, sont une image de vous et de nous dans l’existence.
Cette île est votre monde, vous l’avez agencé plus ou moins comme vous le souhaitiez. En y édifiant des murailles pour le défendre ou, au contraire, en aménageant un port pour en faciliter l’accès. Dans notre île, nous avons nos codes, nos signes, nos conventions. Ces derniers nous sont personnels et instables, il varient selon l’intensité de nos affects. Ils ont aussi une origine, ils ont été façonnés par le temps que nous avons passé « ailleurs », dans une autre île, celle de nos parents, de nos éducateurs qui nous ont initiés à leurs propres codes avant notre affranchissement.
Après, nous avons occupé notre île à nous, nous avons trouvé notre territoire. Nous nous sommes, au terme d’une déterritorialisation et d’un temps de nomadisme, reterritorialisés.
C’est durant cette période de nomadisme que nos codes sont nés et se sont développés. Nous les avons trouvé ici ou là, nous les avons façonnés sur ce qu’on appelle un plan agencé par nos affects. Ce milieu est instable, il varie au gré du fllux de nos affects et de leur intensité.
A partir de notre île et de notre plan, nous allons tirer des traits. Vers où, vers qui ?
A moins d’être totalement autiste et animé d’une irréductible asociabilité, le contact avec l’autre fait partie de notre nature. « L’homme est un animal politique » nous enseignait déjà Aristote. Nous allons donc ren-contrer cet autre dans une con-frontation qui sera fonction de la nature de nos traits.
Toute la complexité des relations humaines réside dans le fait que nos traits, qui sont l’extériorisation de nos signes et conventions,  clairs et convenus pour nous, ne le sont pas ipso facto pour l’autre, lequel a, lui aussi, ses propres signes et conventions tout aussi clairs et convenus de son point de vue.
La relation (c’est-à-dire, ce qui est relatif à ces signes et conventions), est une « ren-contre » dans laquelle, au premier degré, émerge le « contre ».
Pour que ce « contre » se mue en com-préhension, pour que la relation permette un « prendre avec », il faut opérer une flexion sur nos propres signes et conventions afin de les rendre, précisément, « préhensibles ».
Pour cela, il faut ouvrir l’accès à notre île de manière à ce que le plan sur lequel nous tirons des traits soit réceptif à l’apport de l’autre.
Il y a donc double deterritorialisation, double nomadisme, lesquels entraînent, peuvent entraîner, des incompréhnsions liées au mouvement et à la vitesse de déplacement.
Or, notre île est notre seule assurance, l’ouvrir, la quitter, ne fut-ce que brièvement peut être anxiogène et aliénant.
D’où la tentation de façonner, une fois hors de notre île, un plan nouveau. Pour nous rassurer ou, tout simplement nous défendre.
C’est se retrouver dans la situation paradoxale de voyager tout en souhaitant rester chez soi.
L’autre tentation est de renoncer à son plan à soi, de se rattacher à celui de l’autre. C’est le cas dans bien des relations débutantes. Et cela se termine mal: aliénation, dépersonnalisation.
A l’inverse, il y a la peur du nomadisme, la méfiance de l’autre, le repli dans l’assurance de l’île.
La complexité de la relation humaine est amplifiée par le fait qu’une relation à deux n’existe pas en tant que telle. Elle se déroule en présence, active ou passive, des autres. Et ces autres,  ont aussi leur plan,  duquel ils tirent des traits qui ont aussi leur signification propre qui n’est pas forcément la vôtre ni celle de votre partenaire.
Et pourtant ! Il y eut un temps où nous avons tous, sans exception, quitté une île pour trouver et occuper la nôtre. Nous nous sommes pro-jetés (jeter au devant) dans un nomadisme qui, à l’époque ne nous faisait pas peur et même nous exaltait. Heureuse vitalité de la jeunesse !
Le temps passant, cette exaltation faiblit, une réification (cette tendance à faire de l’autre et de nous-même un objet) s’installe. Tout départ de l’assurance de l’île nous fait peur.
Et cette peur, confortée souvent par l’expérience malheureuse, nous retient d’explorer de nouvelles routes.
Alors, que faire ?
Pas le choix ! Il faut quitter l’île, remettre le plan en question car nos îles à nous, à l’instar de celles de la nature, sont menacées par l’Océan qui, petit à petit, les recouvre. Plus d’île, plus d’assurance !
Le plan, conçu à partir de l’île et le nomadisme qui le précède se génèrent l’un l’autre. Un plan vieillit, se sclérose, la mer (c’est-à-dire l’indifférencié) le recouvre.
La tentation est grande de « laisser faire », c’est le cas –souvent – chez des femmes amoureuses. C’est facile aussi : à son assurance à soi, on substitue celle de l’autre. Danger !
D’où la nécéssité du départ, la »possibilité d’une île » pour reprendre le titre du roman de Houellebecq et ce départ demande au nomade une réflexion nouvelle sur ses signes et conventions confrontés à ceux de l’autre et des autres.
Cette réflexion est personnelle, tous les codes le sont aussi. Pour vous accompagner il y a votre vécu, les philosophes, les théologiens, les psychologues et les poètes.

Privilégiez ces derniers !

 

 

 

 

 

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commentaires

A
Tri-mercis Candide pour ce poulet auquel j'adhère totalement..en pensées... mes peurs freinant encore certaines actions, mais peut-être qu'un pont reliant l'île au continent me rassurerait mieux pour le moment que le symbole du port..
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