6 mars 2010
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La Grèce n'est plus qu'un « karavi tsakismeno », un bateau échoué, brisé par les récifs de la finances, il va couler et les tourbillons de ce naufrage se propageront en turbulences dévastatrices un peu partout dans l'espace méditerranéen.
Mais revenons sur le cas grec.
La Grèce n'est pas en Europe, tout en se réclamant de sa naissance. C'est le premier paradoxe d'une longue suite. Les Grecs se sont toujours considérés comme particuliers. La France, l'Allemagne, c'était « stin Evropi », « en Europe », comme si leur pays ne l'était pas.
Ils n'avaient pas tort. La Grèce se situe plus à l'Orient qu'à l'Occident. Elle soupire vers le Proche-Orient et cette Anatolie qui fut si longtemps sienne et dont le souvenir lui déchire encore le coeur.
Le Grec est plus nationaliste que patriote, et, paradoxe de plus, pratique une xénomanie quasi névrotique. Ce qui est bon vient de l'étranger, mais « l'aristos » est grec. Cet étranger que l'on admire, où l'on va, mais, après tout: « anathema se xenitia !», que l'anathème soit sur l'étranger !
Il se tourne vers son passé, mais ne veut pas savoir qu'il n'en que l'héritier indirect: pas plus héritier de Platon et d'Aristore que les Français, les Syriens ou les Allemands. Fils de Byzance peut-être, mais reconnu ? Autre paradoxe.
Il y a de longues plaintes monotones dans ce « rebetiko » qu'aujourd'hui, à l'heure de la techno, bien peu reconnaissent encore; ce « rebetiko » né au Pirée d'un « tsifteteli » turc et d'une prostituée macédonienne, charriant sous des fragrances de raki et de hachich toutes les angoisses du présent et du passé.
Les masques sont tombés. Le Grec n'est pas un « trader » de la place de Londres, ni un fonctionnaire de Bruxelles, encore moins industriel allemand ou commerçant de Rotterdam. Il est lui-même, fils illégitime de Péricles et de Constantin, Ottoman malgré lui, mâtiné de slave et d'albanais, partagé entre un Occident qu'il méprise mais l'envoûte tout à la fois.
Croire que les mesures prises par la dynastie Papandreou sauveront le bateau ivre est une illusion, celles de la dynastie Caramanlis ne valent guère mieux que les autres, prônées par les Mitsotakis.
Il ne restera aux Héllènes que de revenir à leur place. Ce strapontin coincé entre l'Occident et l'Orient et rêver d' amériques et d'europes qui sévaporent en fumées évanescentes comme celles des narguilés.
Cette Europe des bâtiments sinistres et gris de Bruxelles, dont les couloirs sont traversés par des zombies,dossiers sous des bras blêmes, ne les fait plus rêver; elle est l'uniformité glauque, la plume sèche du juriste qui étrangle la verve du poète et du visionnaire.
Après ce désastre, autre « megali catastrophi », il ne restera qu'à se retrouver soi-même, exsangue mais vivant, comme ce Christ à Pâques qui « anesti ek nekroon » (ressuscité des morts ), réjouit ceux qui sont dans les tombeaux.
Et ceux qui sont dans les tombeaux, ne sont pas toujours ceux qui se croient vivants !
« Sinefiasmeni kiriaki » dimanche nuageux, composé par le légendaire Vassilis Tsitsanis, aède d'un « rebetiko » homérique. Je l'ai vu et entendu, il y a cinquante ans, dans sa taverne du Pirée, où des musiciens de génie côtoyaient des femmes fardées qui flattaient de vieux riches et cassaient des assiettes sur la piste de danse. Des hommes sombres y tournoyaient inlassablement au son d'un rythme triste et captivant.
« Sinefiasmeni kiriaki, miasis me tin kardiamou
pou ehi panda sinefia
Christe kè Pa
Christè kè Panagiamou... »
« Dimanche nuageux
tu ressembles à mon coeur
plein de nuages
Christ, Christ, ma Sainte Vierge... »
Et, en prime, cet extrait du film légendaire de Kostas Ferris: "Rebetiko". "Aman, aman" (c'est du turc, qui signifie plus ou moins " Mon Dieu, mon Dieu"...
Et, en prime, cet extrait du film légendaire de Kostas Ferris: "Rebetiko". "Aman, aman" (c'est du turc, qui signifie plus ou moins " Mon Dieu, mon Dieu"...