Penser l'actualité, le quotidien et l'histoire sans a-priori et avec un esprit critique.
En 1927, paraît « La crise du monde moderne ». Guénon y développe ses raisons de ne croire ni à la légitimité, ni à la cohérence de ce que nous avons coutume d'appeler « nos valeurs ». L'humanisme, le laïcisme, l'égalité, la parité, toutes ces notions qui fondent notre quotidien sont passées au crible et réduites à, ce que selon Guénon, elles doivent être : une suite de sophismes suggérés sinon imposés.
De Guénon il y a beaucoup à dire et critiquer, il n'en reste pas moins que cet essai n'a pas pris une ride, les événements qui se sont succédés depuis ont malheureusement donné raison à un penseur qu'il nous faut encore (re)découvrir.
En cette période électorale où nous sommes tous, sans exception, courtisés avec outrance par les pouvoirs, relisons ces lignes.
Extrait :
Guénon en Egypte, vers la fin de sa vie
« Si l'on définit la « démocratie » comme le gouvernement du peuple par lui-même, c'est là une véritable impossibilité, une chose qui ne peut pas même avoir une simple existence de fait, pas plus à notre époque qu'à n'importe quel sautre ; il ne faut pas se laisser duper par les mots, et il est contradictoire d'admettre que les mêmes hommes puissent être à la fois gouvernants et gouvernés, parce que, pour employer le langage aristotélicien, un même titre ne peut être « en acte » et « en puissance » en même temps et sous le même rapport. Il y a là une relation qui suppose nécessairement deux termes en présences ; il ne pourrait y avoir de gouvernés s'il n'y avait aussi des gouvernants, fussent-ils illégitimes et sans autre droit au pouvoir que celui qu'ils se sont attribués à eux-mêmes ; mais la grande habilité des dirigeants, dans le monde moderne, est de faire croire au peuple qu'il se gouverne lui-même ; et le peuple se laisse persuader d'autant plus volontiers qu'il en est flatté et que d'ailleurs il est incapable de réfléchir assez pour voir ce qu'il y a là d'impossible. C’est pour créer cette illusion qu'on a inventé le « suffrage universel » : c'est l'opinion de la majorité qui est supposée faire la loi ; mais ce dont on ne s'aperçoit pas, c'est que l'opinion est quelque chose que l'on peut très facilement diriger et modifier ; on peut toujours, à l'aide de suggestions appropriées, y pourvoir des courants allant dans tel ou tel sens déterminé ; nous ne savons plus qui a parlé de « fabriquer l'opinion », et cette expression est tout à fait juste, bien qu'il faille être dire, d'ailleurs que ce ne sont pas toujours les dirigeants apparents qui ont en réalité à leur disposition les moyens nécessaires pour donner ce résultat. »
(René Guénon : La crise du monde moderne, p.131. Folio Essais)