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Penser l'actualité, le quotidien et l'histoire sans a-priori et avec un esprit critique.

Une Chartreuse de charme

la chartreuse de parme

 

 

Fabrice del Dongo, emprisonné dans la tour Farnese à Parme, s'éprend de Clélia Conti, fille du gouverneur de la prison, Fabio Conti. Depuis sa terrasse où elle nourrit ses oiseaux, Clélia peut communiquer avec un homme qu'elle aime, mais en qui elle voit un charmeur impénitent. La duchesse Sanseverina, tante de Fabrice, de qui elle est secrètement amoureuse, et maîtresse du comte Mosca, premier ministre de la principauté de Parme, craignant pour la vie de son neveu, veut le faire évader. Ce dernier, tout à son amour pour Clélia fait la sourde oreille. Mais comme la menace d'empoisonnement se fait de plus en plus précise, Clélia ordonne à son amant d'obéir à sa tante et de s'enfuir de la tour au cours d'une tentative dont elle se rendra complice.

Pour avoir ainsi trahi son père, Clélia fait le vœu à la Madone de ne plus jamais revoir Fabrice et d'épouser le marquis Crescenzi qui dotera le gouverneur Conti, son père, d'une confortable pension.

La fuite de Fabrice réussit et Clélia épouse le marquis. La duchesse est chagrinée que son neveu soit si déprimé, alors que sa carrière ecclésiastique, favorisée par le comte, est toute tracée : gracié par le prince, il devient évêque coadjuteur de Parme. Las, Clélia et Fabrice se consument d'amour. Elle fuit Fabrice qui fait tout pour l'apercevoir et, dans cette unique perspective, devient le plus célèbre prédicateur de Parme. Au bout de toutes ces péripéties, convaincue de la sincérité des sentiments de Fabrice, elle consent à un rendez-vous, la nuit, sans éclairage aucun, ainsi, fidèle à son vœu, elle ne le verra point.

Trois ans après, mère d'un second enfant, Sandrino, conçu avec Fabrice dans les obscures conditions que l'on sait, Clélia mourra à la mort de son fils. Fabrice au désespoir quittera toutes ses fonctions et se retirera dans la chartreuse où, à son tour, il décédera au bout de quelques mois.

La duchesse Sanseverina qui avait obtenu la grâce de son neveu auprès du prince de Parme, Ernest-Ranuce V, lequel, amoureux de la dame et en parfait gentleman, avait exigé en retour qu'elle se donnât à lui, ce qu'elle fit de 22 heures à 22 heures dix nous apprendra le narrateur. Ensuite, outrée, la duchesse quittera à jamais Parme. Elle épouse le comte Mosca et décèdera après la mort de son neveu.

Voilà l'histoire du chef-d’œuvre de Stendhal « La Chartreuse de Parme » dont Balzac loua le talent. Aujourd'hui, vous vous en doutez, ce type de synopsis serait accueilli avec un sourire entendu.

Le vœu de Clélia à la Madone, comme sa manière de le contourner, serait du plus haut ridicule. Les soupirs de Fabrice dans son cachot et son extase à communiquer avec Clélia plutôt que retrouver la liberté, feraient sourire et plaindre ce grand naïf. Il en va de même pour toute la société parmesane, son prince, sa cour à l'étiquette ridicule, ces « poupées de salon » comme les qualifie Stendhal lui-même, ces mariages arrangés, les prélats de cour, les laquais flagorneurs et corrompus. Fabrice dans cet univers factice, décadent et promis à une disparition certaine, brille par son romantisme exalté qui le voit aux premières pages du roman sur le champ de bataille de Waterloo, admirant son idole, l'Empereur Napoléon. Cette épopée de « Fabrice à Waterloo » est un monument de la littérature française.

Stendhal, qui, pour épigramme sur sa tombe fit graver «  Il milanese », restera toute sa vie hanté par l'Italie dont il comparait volontiers le caractère heureux et fantasque à la morosité bourgeoise et française de la Restauration.

Son roman est dédié « To the happy few » (en anglais dans le texte). Dédicace prémonitoire s'il en est, car, malgré Balzac, l’œuvre ne fut pas vraiment reçue par le grand public, lequel, féru de romantisme certes, ne goûtait pas encore la prose réaliste de l'écrivain. « Mon style est celui du code pénal », aimait répéter Stendhal qui, décrivant les tourments les plus exacerbés de l'âme, gardait la tête froide et comptait les points à la manière d'un arbitre détaché du contexte.

Plus tard, Nietzsche devait le saluer et un Wagner ne tarissait pas d'éloges sur le grenoblois naturalisé milanais.

C'est cette césure entre le thème et, pour employer un terme musical, l'orchestration, qui donnera à Stendhal sa portée universelle qui transcende le temps.

On ne compte plus les adaptations de la « Chartreuse » au théâtre, au cinéma et même à l'opéra. Fabrice, Clélia, la Sanseverina et Mosca, autant de caractères qui traversent, toujours actuels, les époques et témoignent à leur manière de la permanence du héros égaré dans la mesquinerie de son époque.

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