| |
C’était hier à Clairoix, un cadre de l’usine Continental s’est adressé aux ouvriers et leur a dit en anglais que l’usine cesserait fin mars sa production de pneumatique. Il comprennent pas l’anglais, ces pauvres gens assomés par cette déclaration ? Tant pis ! Dit, c’est dit et plus de mille emplois sacrifiés ! A la brutalité de l’annonce s’ajoute la morgue, le fossé culturel entre ceux qui maîtrisent la langue de l’économie de marché et ceux qui la subissent. Cela me rappelle une autre annonce, tout aussi arrogante celle-là. A Bruxelles, il y a douze ou treize ans, un cadre de Renault arrive de Paris, il a réservé un salon à l’Hilton pour y donner une conférence de presse : un quart d’heure ! L’usine de Vilvorde sera fermée. Trois mille ouvriers sur le carreau. Ce Monsieur, au bout de sa courte déclaration, consulte sa montre et, sans vergogne, demande : « le prochain train pour Paris, c’est quand ? » A Clairoix, ces braves types avaient accepté d’oublier les trente-cinq heures, travailler plus pour gagner moins comme ne leur avait pas promis l’Autre ; voilà le résultat ! Autre annonce, faite en français, celle du berger corse, Yvan Colonna, qui ne veut plus assister à son procès et s’en retourne dans sa cellule. Recourir aux juridictions d’exception, c’est la marque des régimes faibles qui compensent leur déficience par une autorité aux ordres. On nous parle beaucoup de choses et d’autres, mais pas assez de refondation morale. Une refondation qui mettrait la vertu en première ligne et qui serait le signe de reconnaissance de nos responsables politiques et sociaux. On peut rêver ! Ils nous parlent de démocratie et nous assurent du bonheur de vivre dans cet état. Mais vote-t-on à l’encontre de leurs intérêts qu’ils torpillent aussi sec la volonté populaire. Souvenez-vous de la Constitution européenne, voyez le sort qu’ils réservent à la volonté des Irlandais ! Durant l’Antiquité, les sophistes avaient une vertu, celle de savoir qu’ils l’étaient et de se prévaloir de leurs contradictions. Aujourd’hui ils ne l’ont même plus, ils nous prennent pour des imbéciles qui gobent leurs discours de circonstances. Demain, ils iront plus loin encore : plus de discours, des oukazes ! Vous avez dit démocratie ? |